Tuesday, June 8, 2021

Quelqu’un a dit que la traduction est …

 






Dans la publication inaugurale du blog Le rapport entre le traducteur et les confrères, j’ai évoqué certains aspects de ce que je considère comme une relation fructueuse entre le traducteur et ses confrères. J’ai mentionné, bien que brièvement, que nous sommes des travailleurs dont la matière première est le mot. Par ailleurs, j’ai également dit que j’allais me servir de cet espace afin de promouvoir mon travail. Mais ce n’est pas seulement cela. Je prétends aussi explorer cet espace en vue d’exercer une activité qui me fait vraiment plaisir : l’écriture. Et je pense que faire cela en public, entre autres choses, pourrait être particulièrement opportun : d’un côté, pour démontrer à mes clients, ou même à l’estimé lecteur intéressé par mon blog, qu’écrire un texte de ma propre production peut être une façon de présenter mes compétences dans le traitement des mots ; de l’autre côté, que le traducteur peut aussi promouvoir la pensée. L’écriture peut être non seulement un moyen d’exprimer des idées, mais aussi un moyen de rendre la pensée intelligible par les mots. Et quand cette capacité d’expression peut se faire dans la langue maternelle, cela devient encore plus gratifiant. Quand je pense que ce texte sera traduit par moi-même en anglais et en français, je suis touché par le fait que d’autres personnes puissent entrer en contact avec ce message. « Écrire » – un verbe séduisant. Aujourd’hui, je ferai quelques considérations sur la valeur de la traduction.

Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, j’ai une tendance à penser qu’il n’y a pas une valeur a priori attribuée à la traduction. Toutefois, cela ne signifie pas que la traduction n’a aucune valeur, car la traduction est une activité… humaine, faite par des êtres humains ! Et, étant donné qu’il s’agit d’une activité humaine, telle serait son importance. Dans Parerga et paralipomena, Schopenhauer (1788 – 1860), fidèle à sa verve, élabore une critique sur la traduction, il nous dit :

 

Voilà pourquoi chaque traduction reste morte, et son style forcé, raide, dépourvu de naturel. Ou bien elle est trop libre, c’est-à-dire se contente d’un à peu près, et, par conséquent, est fausse. Une bibliothèque de traductions ressemble à une galerie de tableaux qui ne sont que des copies. Et les traductions des écrivains de l’antiquité, surtout, constituent pour ceux-ci un succédané tel que la chicorée par rapport au vrai café.[1]

 

D’ailleurs, une critique ou une provocation, alors que le philosophe de Dantzig était aussi un homme de lettres ? Contrairement à Schopenhauer, je ne pense pas que la traduction soit un travail « mort », bien au contraire ! Elle vit à partir du moment où au moins deux langues commencent à établir une riche relation de convivialité. Et cela se concrétise, dans une large mesure, parce que le traducteur, en vertu de ses compétences linguistiques – toujours en constant perfectionnement – est capable de traduire une œuvre de la langue source à la langue cible, ou un texte, ou un poème, si vous préférez. Autrement dit, au-delà de l’expérience considérable avec la langue maternelle, avec laquelle le traducteur a une relation existentielle profonde, à un certain moment de sa vie le professionnel des lettres a établi un contact intime avec une autre langue en apprenant une deuxième – troisième, quatrième, etc. –, donc, dans une certaine mesure, il a également établi un contact avec d’autres gens (leur mode de vie ou – pourquoi pas ? – leur façon de penser).

Quant au style de l’œuvre, je crois que cette évaluation est légèrement relative. Il y a des traducteur.trice.s dans le domaine littéraire qui font un très bon travail de traduction, et la lecture du texte traduit est vraiment agréable. Le style est fluide et élégant. Le travail de ces professionnels est très important, dans la mesure où certaines personnes ne parlent pas une deuxième langue. Quand une œuvre littéraire dont le texte original a été rédigé, par exemple, en anglais ou en français, est traduite, par exemple, en portugais – ou vice-versa –, le travail du traducteur joue un rôle remarquable : l’activité de traduction serait chargée de promouvoir la rencontre entre l’auteur et le lecteur. En d’autres termes, j’essaie de comprendre le métier de traduction comme une capacité à faciliter le contact entre, au moins, deux personnes, ou si vous préférez, une capacité à construire des ponts. D’autre côté, je pense que la critique de Schopenhauer peut avoir un sens quand un texte traduit n’a pas un résultat final satisfaisant, c’est-à-dire quand l’intelligibilité du texte traduit est compromise, et cela se passe pour diverses raisons. Néanmoins, je pense que le style d’un texte traduit peut être tout à fait élégant quand il est bien traduit.

En ce sens, quand le traducteur reçoit une demande pour traduire une œuvre, il est conscient que son travail doit être bien fait, et que le texte à traduire doit être bien traduit. Les mots évidents ont parfois besoin d’être rappelés. Bien sûr, il y a des difficultés en cours du chemin et il n’est pas toujours possible de trouver la solution adéquate pour la traduction d’un terme ou d’une expression, car, en fonction du texte, certaines choses sont pratiquement impossibles de traduire. Il y a certaines pertes pendant l’activité de traduction, et c’est inévitable, parce que le texte a été conçu dans une autre langue. Il y a des éléments linguistiques et la façon même de penser est mise en jeu. Cela est encore plus évident quand l’œuvre à traduire est un poème. Cependant, je pense que l’activité de traduction peut être particulièrement riche pour le traducteur, et si son travail est capable d’exprimer cette richesse, tant mieux pour le lecteur. Ainsi, je ne suis pas d’accord avec Schopenhauer quand il affirme que dans une bibliothèque d’œuvres traduites, il n’y aurait que des copies. Je pense que, d’un point de vue comparatif, il y a le texte original et le texte traduit. À partir de ce point de vue, les deux sont complètement différents – évidemment. Par contre, quand l’activité de traduction rend le texte intelligible à la langue cible, nous avons un texte traduit qui aurait, entre autres choses, l’idée d’exprimer l’intelligibilité du texte original.

Ainsi, surtout quand il s’agit du texte d’une œuvre littéraire, l’activité de traduction prend des contours créatifs. Comment évaluer un texte traduit ? Quelle est sa valeur pour un lecteur qui, pour une multitude de raisons, ne connaît pas ou ne parle pas la langue de l’auteur ? De nombreux textes classiques écrits en grec ou en latin ont été traduits dans des langues modernes et, grâce au travail de traduction, nous avons pu établir le contact avec l’univers de ces auteurs, même si de manière limitée. Pourtant, les œuvres originales sont uniques et cela constitue l’une de leurs valeurs. D’ailleurs, je pose une question : seriez-vous capable de découvrir les trésors qui nous ont légués les auteurs classiques si vous appreniez une langue ancienne, comme le latin ou le grec ?

Par conséquent, un texte traduit est le résultat final de tout un itinéraire existentiel vécu par le professionnel de la traduction. Et c’est là qui réside la valeur de cette activité. C’est-à-dire, je disais tout à l’heure que j’ai la tendance à considérer qu’il n’y a pas de valeur a priori attribuée à la traduction ; la valeur lui est attribuée par nous, des êtres humains, quand nous découvrons qu’elle est importante pour nous. Quand, d’une certaine manière, elle nous touche. Et cette valeur peut être attribuée de différentes manières. Un lecteur qui a lu un livre traduit peut vivre une expérience phénoménale en le lisant. Alors, il pourra créer des liens avec le texte au point de le considérer comme ayant une certaine importance pour sa vie. Soit parce que l’histoire était touchante, soit parce que les personnages ont des caractéristiques uniques, soit parce que le récit était conduit de manière dynamique. Les raisons sont pratiquement illimitées. En revanche, lire un texte dans sa langue d’origine est une expérience différente et le contact avec cet univers linguistique est hautement enrichissant dans les aspects les plus variés.

Mais Schopenhauer se référait-il uniquement aux livres ? La critique/provocation du philosophe a été faite au 19ème siècle et dès lors beaucoup de choses ont changé. Aujourd’hui, le segment de la traduction est établi et consolidé et, au-delà du domaine littéraire, il existe d’innombrables domaines spécifiques : informatique, technologie, jeux vidéo, affaires, marketing, gouvernement et administration publique, industrie touristique, logistique et transports, et sciences humaines – domaines avec lesquels j’ai des affinités et travaille –, entre autres. Avec l’expansion du capitalisme, l’économie est devenue de plus en plus diversifiée et de nouveaux marchés ont émergé. Et, plus récemment, avec la diffusion de l’ordinateur et de l’Internet, les frontières économiques sont devenues pratiquement inexistantes – ce qui ne signifie pas que tous nos problèmes ont été résolus, bien au contraire ! Nous continuons à être confrontés aux problèmes de la pauvreté, de la violence et de nombreux autres maux (mais ceci est une autre discussion).

L’ordinateur personnel n’existait pas encore au moment où Schopenhauer a écrit sa provocation. De nombreuses années ont passé, et dans mon itinéraire existentiel, j’ai eu l’occasion d’assister à la popularisation de l’utilisation de ces machines, ici au Brésil, alors que j’étais adolescent ; et puis, l’utilisation d’Internet serait également popularisée. En ce sens, depuis très tôt, j’ai adopté l’habitude d’utiliser la technologie. En fait, mon premier emploi était lié aux technologies de l’information, un marché auquel j’ai pu me consacrer pendant quelques années de ma vie, c’est-à-dire au moment où je quittais l’adolescence et entrais dans l’âge adulte. Cela a été un moment important pour mon mûrissement, car j’ai pu non seulement établir un contact riche avec cet univers technologique, mas aussi comprendre certains détails de ses subtilités.

Aujourd’hui, avec le scénario technologique consolidé et l’Internet en pleine activité, les traducteurs ont pu intégrer des outils diversifiés dans leurs activités quotidiennes. Avec la diversification de l’économie et l’émergence d’une grande variété de marchés, la demande de services de traduction augmente chaque année. Et l’un des domaines qui me sont familiers serait… la technologie de l’information : en particulier, matériel informatique, logiciels, ordinateurs, systèmes, réseaux, manuels d’utilisation informatique et traduction de site web. Être un expert dans le domaine de la technologie de l’information est une grande satisfaction et j’ai à chaque instant la possibilité de traduire de nouveaux projets dans ce domaine. Je suis vraiment reconnaissant à mes clients pour la confiance qu’ils accordent à mon travail. Je suis en train de suivre les dernières évolutions technologiques, car ce domaine est en constante transformation. L’utilisation de l’intelligence artificielle dans le secteur de la traduction est de plus en plus présente, et le débat sur le rôle de la traduction automatique par rapport à la traduction humaine se déroule dans la même mesure. Je prétends explorer le sujet de l’intelligence artificielle dans une autre publication. Soyez à l’affût !

Je me demande ce que Schopenhauer penserait aujourd’hui, non pas sur la traduction en tant que produit final, mais du métier du traducteur, c’est-à-dire de l’activité de traduction. Aujourd’hui, nous avons la possibilité d’utiliser les ressources technologiques les plus variées, des puissants ordinateurs portables, en passant par les logiciels les plus divers, jusqu’à une connexion Internet de haut débit capable d’ouvrir la communication avec des personnes du monde entier en un seul clic. Pour augmenter notre productivité, il est très commun d’utiliser un outil de traduction assistée par ordinateur (outil TAO). Il s’agit de logiciels dotés de ressources puissantes qui offrent au traducteur, entre autres choses, la capacité d’augmenter sa productivité et de garantir la cohérence terminologique d’un projet – une caractéristique de grande importance, surtout quand nous travaillons sur des projets complexes, avec de nombreux mots, parmi lesquels beaucoup sont répétés. Comme si cela ne suffisait pas, ces logiciels offrent également aux traducteurs la possibilité d’enregistrer une mémoire de traduction, c’est-à-dire un fichier alimenté par chaque projet, dans les paires de langues respectives, où sont enregistrées les correspondances de traduction pour des segments de phrase entiers. Sans oublier la possibilité de générer des bases terminologiques, c’est-à-dire des glossaires, qui rendent le résultat final précis et cohérent du point de vue de l’uniformité terminologique. Voici le scénario actuel de l’activité de traduction de manière générale. Et penser que dans un passé pas si lointain, les écrivains utilisaient une plume pour écrire …

De cette façon, au-delà de la valeur affective, nous pouvons attribuer une valeur commerciale à un texte traduit. L’industrie de la traduction génère des richesses et renforce les liens commerciaux entre les gens. Imaginez la situation suivante. Une certaine marque souhaite diffuser ses produits et consolider sa présence sur un nouveau marché. Pour réussir cela, cette même marque devra développer une stratégie qui passe, entre autres choses, par la communication. Dans ce cas, les services d’un traducteur est mis en jeu. En fonction de la manière par laquelle cette marque souhaite pénétrer ce marché, tout le matériel lié au produit, c’est-à-dire les documents, les contrats, les sites web, le matériel publicitaire, ou même les manuels techniques et informatifs, auront besoin d’un traitement linguistique. Par conséquent, le travail d’un traducteur qualifié devient essentiel pour le succès de cette entreprise, étant donné qu’il possède les qualifications et les compétences requises pour donner le traitement linguistique approprié au matériel à traduire – ou même à localiser. Et je conclus ce texte par la réflexion suivante : comment serait la vie sans le travail d’un traducteur ? Comment une entreprise pourrait-elle conquérir de nouveaux marchés si elle n’avait pas le travail d’un traducteur dans sa stratégie de communication ? Comptez sur moi, si vous avez besoin de mes services linguistiques.

Merci beaucoup de votre attention et j’espère que vous avez apprécié la lecture.

À la prochaine publication !

 

Références :

[1] Schopenhauer, A. Parerga et paralipomena. Traduction : Auguste Dietrich et Jean Bourdeau. Édition établie et présente par Didier Raymon. Paris : Éditions Robert Laffont, S.A.S, 2020.

 

Sur la peinture :

Paul Cézanne (1839-1906)

Pommes et oranges

Vers 1899

Huille sur toille

Musée d’Orsay, Paris, France


Brazilian Portuguese Translations, Brazilian Portuguese Translator #brazilianportuguesetranslations #brazilianportuguesetranslator